Heureux, les porcs? Mon œil!

http://www.lematin.ch/suisse/heureux-porcs/story/29777989

La Protection suisse des animaux fustige Viande Suisse, qui bercerait le public dans «l’illusion du bétail heureux».

La vérité... Et ci-dessous, la publicité montrant des petits cochons tout contents...

Viande Suisse et «l’illusion du bétail heureux». Tel est l’intitulé d’un dossier publié hier par la Protection suisse des animaux (PSA). Qui veut démontrer que les Suisses ne savent pas ce qu’indiquent les labels. Et fustige l’organisation faîtière Proviande, suspectée de surfer sur cette méconnaissance, voire de l’entretenir avec des pubs «trompeuses».
La PSA brandit un sondage mené auprès de plus de mille personnes. Dans la cible des protecteurs des animaux, les labels «de provenance»: Suisse Garantie et AQ Viande Suisse. Or, seul un tiers des sondés savent «que ces marques ne prescrivent pas de sortie en plein air». L’exemple le plus frappant est celui du 1,1 million de porcs d’engraissement abattus chaque année. Une part d’entre eux ne sortent jamais, ce qui est conforme à la loi. Ils peuvent donc bénéficier de ces labels. La PSA ajoute un reportage chez un éleveur, où l’on voit ces cochons «reclus» dans des espaces confinés (0,9 m2 par bête suffit). Intitulé «Une vie de cochon!» ce documentaire précise que cette forme de détention «conduit à des troubles comportementaux». Et propose de rebaptiser AQ (Assurance Qualité) en «EM»: «Ennui Mortel»… Pourtant, souligne la PSA, les publicités de Proviande préfèrent insister sur «la sévère législation suisse sur la protection des animaux».
Cochons roses
En ouvrant le site Web de Proviande, on tombe en effet immédiatement sur de jolis cochons bien roses en plein air accompagnés d’un texte titré: «Nos animaux de rente ont mérité leur belle vie». «Il est vrai que tous les porcs ou poulets ne sont pas en extérieur, mais le label AQ n’a rien de trompeur. On parle de produits suisses, de qualité, les réglementations sont respectées et tout est transparent», réagit Peter Christen, responsable du département Classification et Marchés de Proviande. Mais les pubs n’embellissent-elles pas exagérément la situation? «Nous montrons une réalité. Mais, évidemment, si on parle de publicité, nous allons mettre en avant de jolies images.»
Que rétorque la PSA? Rêve-t-elle de pubs repoussantes? «Pas du tout. Notre priorité est d’informer, répond la porte-parole Helen Sandmeier. La population imagine par exemple des cochons menant une vie heureuse dans des prés luxuriants. La réalité, c’est que certains sortiront la première fois pour aller à l’abattoir.»

Un cochon peut-il être heureux?
Un animal de rente peut-il nager dans le bonheur, comme dans certaines pubs? Au fond, ça existe un cochon heureux? «Franchement, je ne suis pas sûr de savoir ce que veut dire le bonheur pour un cochon. J’aurais déjà du mal à définir ce qu’est un humain heureux…» sourit Peter Christen, de Proviande. «Heureux? La qualité de vie peut en tout cas être plus ou moins bonne. Mais on parle d’animaux destinés à être abattus puis mangés… Le mieux serait d’interviewer un cochon», rigole Helen Sandmeier, de la PSA. «Nous pouvons essayer de diminuer les souffrances des animaux telles que nous les ressentons, note l’éthicien lausannois Denis Müller, qui avait coécrit un ouvrage sur la dignité de l’animal. Mais, pour le bonheur, je pense que c’est un anthropomorphisme: nous n’en savons rien.»